Le piège

24 novembre 2009

Au début, on se dit "c'est pour un temps", on parle de jolie parenthèse, toute douce, aux parfums de vanille et de lotion pour bébé. On sait qu'on retournera travailler, alors on se laisse bercer par la monotonie des jours qui se lèvent sur l'absence de projets et qui se couchent sur le vide de leur contenu, courses, ménage, linge, école, devoirs, cuisine... toujours pareil. En ces temps, on peut se dire qu'il y a un temps pour tout, tout le temps... qu'on a du temps à revendre, mais pas forcément le bon, parce qu'on n'a pas le temps de jouer, pas le temps d'écouter, pas le temps de lire, d'apprendre, ou de se remettre en question... On dit alors qu'on se sent piégée, qu'il est temps de retravailler, mais on recule l'échéance, en disant qu'on a encore le temps, ou en se cachant derrière les horaires, la distance, le prix de la crèche, le confort de cette douceur illusoire. Dévorée par le temps? Bouffée par l'angoisse? De quoi? De qui? On se bouge, on téléphone, on cherche une issue comme la souris s'excite dans sa roue et puis on croise cette copine qui est passée dans l'autre camp, le camp de celles qui partagent leur temps entre travail et enfants. D'une pluie de petites phrases assassines, elle balaie tout ce temps passé à s'inventer des résolutions: "oui, je voulais retravailler! non, ça ne se passe pas très bien, ça prend tout mon temps!". Alors, on la plante sur ce trottoir humide, on se dépêche de rentrer à cause du temps qu'il fait, on pense au linge étendu dehors, à ce qu'on va faire à dîner, on dit aux enfants que non, on n'a pas le temps de jouer et à la fin, comme on est toujours de l'avis du dernier qui a parlé, on se dit que c'est pas si mal, qu'on a bien le temps de voir venir, et que ce n'est que pour un temps...

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